La Compagnie
En 1997, j’obtenais mon premier prix au Conservatoire Royal de Liège. Lors de ma dernière année, notre professeur avait proposé à ceux qui potentiellement terminaient, un projet concepteur. Le travail consistait à ce qu’un élève sortant mette en scène un ou plusieurs étudiants de sa classe dans une scène du répertoire. Au bout du compte, j’étais la seule motivée. Je ne voulais pas travailler une scène d’auteur, je voulais monter une petite chose avec un décor pour des jeunes spectateurs et pas que. Trois de mes camarades ont accepté de participer à mon aventure. Et en mai 1997, j’invitais mon professeur et mes chargés de cours à venir voir “Le soleil dans la cheminée” à l’école Saint- André en Outremeuse à Liège. Jean-Michel Frère, mon chargé de cours, m’a alors encouragée à aller plus loin. Et aller, c’était s’inscrire à la Sélection Jeune Public à Huy. Il fallait être constitué en ASBL, ce que nous n’étions pas. Il était impératif d’avoir un autre décor que celui construit par nos soins dans la grange de mon père… A l’époque, nous n’avions pas de moyens. J’ai frappé à quelques portes qui se sont ouvertes. Laurence Adam est devenue notre marraine de compagnie. J’ai aussi demandé à la maman d’une copine qui avait créé une asbl, si je pouvais passer par leur structure nommée Arts & Couleurs. En 1998, nous avons présenté le spectacle retravaillé à la sélection et hop, nous voici sélectionnés ! Très vite, j’ai du apprendre sur le tas, à me former au côté administratif. Au conservatoire, on vous apprend à jouer Molière, Tchekov mais on ne vous apprend pas ce que c’est un secrétariat social, rédiger un contrat, compléter un C4… Avec ce premier spectacle, j’ai découvert les tournées en camion, la vie de compagnie (être multitâches), l’esprit de troupe, la rencontre des différents publics, de diverses régions et j’ai aimé. D’emblée, j’ai aimé cette vie itinérante, de saltimbanques, d’artisans, de touche à tout..
Le fait d’avoir été sectionnés m’a motivé à continuer. En 2000, je trouvais tout naturel de demander à Jean-Michel Frère d’écrire et de mettre le 2ème spectacle “La grande lessive” toujours sous le nom Arts & Couleurs. Je pensais bien que ce nom était nul mais je l’assumais sans trop m’en préoccuper. Ce n’est qu’au 4ème, voire au 5ème spectacle que vraiment, là, je ne pouvais supporter, porter ce nom que je trouvais -et trouve toujours- nul, ridicule, gênant, socio-cul… Il ne nous correspondait pas et encore moins aujourd’hui. Les gens proches de nous me disaient « non, ne changez pas, ce n’est pas grave, ce n’est pas choquant, on vous connaît comme ça, sous ce nom-là, c’est comme ça… » J’ai écouté. J’ai ruminé, j’ai continué à râler, à me dire « c’est vraiment nul » et puis c’est tout.
Depuis 1998, on trimballe ce stupide nom ! Les gens s’y sont fait et nous ont identifiés. J’ai souvent voulu changer et trouver un nom avec le mot « poisson » car c’est le poisson qui nous représente visuellement et puis, inconsciemment ou consciemment, il y a des poissons dans presque tous nos spectacles. Nous aurions pu nous appelé « La compagnie du joyeux poisson », « Le poisson à roulettes », « Le poisson à lunettes », quelque chose de plus rigolo, de plus décalé, de plus déjanté mais voilà, on se le chique ! Alors pour compenser, j’ai trouvé un graphiste talentueux qui nous crée de beaux visuels et le nom Arts & Couleurs se fond dans l’ensemble…
Martine Godard